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La garantie d'éviction dans la vente immobilière



L’article 1626 du Code civil prévoit que : « même si lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ».



La garantie légale d'éviction est attachée à toute vente, sans qu'il soit nécessaire de la stipuler. Cette garantie vise à prémunir l’acquéreur contre le trouble qu’il ait pour origine le fait personnel du vendeur ou le fait du tiers. L’acquéreur faisant jouer la garantie pourra agir en justice afin de faire cesser les atteintes du fait du vendeur, ou contraindre ce dernier à prendre la défense de l'acheteur contre les prétentions d'un tiers.

L'acheteur ne peut se prévaloir de la garantie des articles 1625 et suivants du Code civil que dans la mesure où il est évincé, en tout ou en partie, de la chose vendue, ce qui suppose un trouble apporté à la jouissance de cette chose. Le trouble peut être de fait ou de droit.


Il y a trouble de fait lorsque le vendeur accomplit un acte qu'il ne prétend pas fondé sur un droit, et qui entraîne pour l'acheteur la privation totale ou partielle de l'exercice du droit cédé, dans les conditions et avec les avantages sur lesquels l'acquéreur était en droit de compter, d'après la nature et la destination normale de la chose vendue. Il en est ainsi quand le vendeur d'un terrain construit sur la partie restante de sa propriété un immeuble dont la présence met les acquéreurs dans l'impossibilité d'exercer la servitude de vue grevant cette partie restante (Cass. 1re civ., 29 nov. 1955 : JCP G 1956).


Il y a trouble de droit lorsque le vendeur porte à la propriété de l'acquéreur une atteinte qu'il prétend fondée sur un droit. Ainsi, il s’agit du vendeur qui prétend être propriétaire ou avoir conservé sur la chose vendue un autre droit réel, tel un usufruit ou une servitude, ou un droit personnel tel un droit au bail. Par exemple, manque à son obligation de garantie envers le premier acquéreur le vendeur qui vend une seconde fois un immeuble dont la première vente n'avait pas été publiée (Cass. 3e civ., 29 avr. 1981, n° 79-16.649). La garantie du fait des tiers n'est due que si le trouble subi par l'acheteur est un trouble de droit. L'acheteur ne pourra donc pas se prévaloir de la garantie d'éviction si un tiers commet des dégradations sur le bien vendu ou si ce bien est usurpé par une personne qui l'occupe sans prétendre être titulaire d'aucun droit, ces troubles étant de fait. L'éviction suppose, en principe, un trouble actuel et non pas seulement éventuel, il faut que l'acheteur soit réellement attaqué et non pas qu'il ait seulement des craintes de l'être.


La simple connaissance que l'acheteur a du danger qui le menace, ne lui permet pas, en principe, d'agir en garantie, dans ce cas, il lui est seulement possible de suspendre le paiement du prix par application de l'article 1653 du Code civil (CA Poitiers, 24 avr. 1967 : D. 1968, p. 76). Selon un arrêt du 28 octobre 2015 (n°14-15114), la garantie d’éviction du fait d’un tiers est due si le trouble subi par l’acheteur est un trouble de droit, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l’acheteur. Tel est le cas d’une hypothèque qui existe sur le bien et qui n’a pas été déclarée à l’acheteur. La garantie disparaît dans le cas où l'éviction ne s'est produite que par la faute de l'acquéreur, par exemple si l’acquéreur a aggravé la situation antérieure en ne prenant pas les mesures conservatoires qui s'imposaient.


La garantie d’éviction ne vise que les atteintes à la propriété qui n’ont pas été déclarées lors de la vente. Ainsi, si le vendeur déclare lors de la vente qu’il existe une servitude de passage sur le terrain vendu, l’acheteur ne peut plus ensuite le reprocher au vendeur. La garantie d’éviction n’est pas d’ordre public. Il est donc possible d’en étendre ou d’en limiter l’étendue. Toutefois, même si l’acheteur a accepté une clause de non garantie d’éviction, le vendeur demeure tenu de celle qui résulte d’un fait qui lui est personnel. Comme l’indique l’article 1626 du Code civil, toute convention contraire est nulle. La Cour de cassation décide qu'en l'absence d'une clause expresse de non-garantie, le vendeur demeure tenu à la restitution du prix, même s'il est établi que l'acheteur évincé a eu, lors de la vente, connaissance du risque auquel il était exposé (Cass. 1re civ., 15 avr. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 195).


L’article 1626 du Code civil assimile à l’éviction les charges non déclarées lors de la vente. Cette hypothèse entraîne une atteinte non pas au droit de propriété lui-même, mais bien plutôt une diminution actuelle de la jouissance de la chose vendue. A la différence de l’éviction proprement dite, cette action pourra être mise en œuvre dès la découverte de la charge non déclarée, puisqu'il y a diminution immédiate de jouissance. De même, contrairement à l’éviction, pour les charges non déclarées la bonne foi de l'acheteur, c'est-à-dire son ignorance, est une condition de la garantie.

La Cour de cassation a réaffirmé la condition de l’ignorance de la charge par l’acquéreur, dans deux arrêts du 24 septembre 2014 (Cass. 3e civ. 24 septembre 2014 n° 13-18.924 et n° 13-18.460). En l’espèce, dans ces deux affaires, l’acquéreur d’un terrain avait agi en garantie contre le vendeur lui reprochant de ne pas l’avoir informé avant la vente de la présence d’une canalisation souterraine d’évacuation des eaux usées de la propriété voisine. Dans la premier espèce, la troisième chambre civile juge que : « la présence d'une canalisation non apparente, diminuant l'usage du terrain vendu et n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration par le vendeur, constitue une charge occulte grevant le fonds ».

Dans la deuxième affaire, l’acquéreur qui avait entrepris des travaux d’extension de sa maison avait découvert la canalisation lors d’opérations de terrassement. La juridiction suprême considère que : « ces motifs ne suffisaient pas à établir que la SCI avait une claire connaissance de l'existence de la canalisation et de ses conséquences sur les travaux d'extension ».

La Cour de cassation rappelle ainsi que pour que le vendeur soit tenu à garantie, il faut que l’acheteur n’ait pas eu connaissance au moment de la vente des charges non déclarées. La preuve de la connaissance de la charge par l'acquéreur incombe au vendeur car la bonne foi de l'acheteur est présumée. Le vendeur ne peut pas se contenter de simples présomptions laissant supposer que son cocontractant pouvait être au courant, il doit démontrer que l'acquéreur connaissait la charge grevant le fonds et son étendue (Cass. 3e civ. 13-11-2003 n° 02-16.285 : RJDA 3/04 n° 291). Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, mais elle est dans les faits rarement admise.


L’article 1630 du Code civil prévoit plusieurs sanctions. Comme l’indique ce texte, «Lorsque la garantie a été pro-mise, ou qu’il n’a rien été stipulé à ce sujet, si l’acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :

1° La restitution du prix;

2° Celle des fruits, lorsqu’il est obligé de les rendre au propriétaire qui l’évince;

3° Les frais faits sur la demande en garantie de l’acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire;

4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat


Le Code civil prévoit deux mécanismes d’indemnisation spécifiques de l’acheteur. Premièrement, si le bien a pris de la valeur entre le moment de l’achat et le moment de l’éviction, le vendeur est tenu d’indemniser l’acheteur à hauteur de la valeur au moment de l’éviction et non pas de la valeur au moment de l’achat. En outre, si l’acheteur a réalisé des réparations ou des améliorations au bien, le vendeur devra les lui rembourser pourvu que ces réparations ou améliorations soient utiles au bien. Un arrêt du 16 janvier 1991 (n° 89-13236) a précisé que le paiement des impôts fonciers ne rentre pas dans le cadre des réparations et améliorations utiles pour la chose vendue..


Le Code civil sanctionne spécifiquement la mauvaise foi du vendeur, c’est-à-dire le fait par exemple que le vendeur transfère la propriété à un acheteur alors qu’il connaît le risque d’éviction. Tel serait le cas pas exemple du vendeur qui vend un bien alors qu’il a déjà vendu celui-ci à un autre acheteur. Dans ce cas, en plus des actions en résiliation ou responsabilité déjà exposées, le vendeur devra rembourser à l’acheteur toutes les dépenses réalisées pour le bien, qu’elles soient ou non utiles au bien. Les dépenses mêmes voluptuaires ou d’agrément devront faire l’objet d’un remboursement alors qu’elles ne le seraient pas en l’absence de mauvaise foi.


Même si l’acheteur n’est évincé que d’une partie du bien, il peut obtenir la résiliation de la vente s’il n’aurait pas acheté le bien sans la partie dont il a été évincé. S’il conserve le bien sans la partie manquante, il sera remboursé de la valeur de la partie dont il est évincé, évaluée au moment de l’éviction.


 

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