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La perte d’ensoleillement



La perte d’ensoleillement et la perte de vue peuvent constituer un trouble anormal de voisinage. Si vous souhaitez réalisez une expertise en perte d'ensoleillement certains géomètres-experts et architectes sont équipés et formés à cet effet.

La perte d’ensoleillement ou la perte de vue sont des préjudices que l’on peut subir lorsqu’une nouvelle construction est proche de notre maison. Ces deux préjudices caractérisent un trouble de jouissance, et plus précisément un trouble anormal de voisinage. Tout voisin s’estimant lésé par une construction peut ainsi saisir le juge civil pour obtenir réparation.C’est le préjudice subi par le voisin qui déterminera le trouble anormal de voisinage. Le fait que la construction litigieuse respecte parfaitement toutes les règles d’urbanisme est totalement étranger au concept de trouble anormal du voisinage. Concrètement, si un règlement d’urbanisme permet de construire en mitoyenneté, mais qu’un voisin juge qu’une construction lui fait de l’ombre, il peut tout à fait assigner en justice le propriétaire de la construction mitoyenne et obtenir réparation de son préjudice; même avec un permis de construire parfaitement légal, sans recours des tiers, un procès est tout à fait possible. Toute personne estimant subir un trouble de voisinage dispose decinq5 ans à compter de la fin de la naissance du trouble pour agir en justice. (art. 2224 du code civil)

La seule perte de vue, même importante, n’est généralement pas suffisante pour obtenir une quelconque indemnisation ou remise en état. En effet, la vue dont bénéficie un propriétaire n’est pas un droit et il n’existe pas de “privilège de vue”. La perte de vue semble cependant prise en compte par la justice lorsqu’elle s’ajoute à une perte d’ensoleillement.

Dans le cas d’une perte d’ensoleillement, il est beaucoup plus facile d’obtenir réparation du préjudice. Généralement, la justice condamne l’auteur du trouble à indemniser la victime. Les dommages-intérêts sont essentiellement calculés selon la dépréciation de la valeur vénale de la maison de la victime. Mais il arrive de plus en plus souvent que les juges ordonnent la démolition de la construction litigieuse. Précisons également que pour obtenir une réparation du trouble en justice, la perte d’ensoleillement doit être importante. De plus, les juges seront moins cléments avec la victime lorsque le trouble survient en milieu urbain plutôt qu’en milieu diffus. Avant toute démarche amiable ou contentieuse, la victime du trouble devra prouver l’existence de la privation d’ensoleillement ainsi que son intensité. Seule une étude de perte d’ensoleillement permet de démontrer et quantifier précisément le trouble subi. Elle seule permet à un avocat ou un juge d’évaluer le préjudice.

Le préjudice de départ est un préjudice de perte d’ensoleillement bien sûr mais ce préjudice en entraîne bien d’autres. Parmi les cas rencontrés peuvent être retenues la gêne visuelle (sensation d’enfermement), la perte de valeur du bien (dépréciation), la perte de chaleur (baie vitrée à l’ombre) et donc l’augmentation des charges de chauffage, la perte de production énergétique (cellules photovoltaïques se retrouvant à l’ombre). Dans le cas d’un mur végétal, la chute des feuilles dans les gouttières et l’apparition de mousse sur les terrasses peuvent également être allégués.

Afin de quantifier la perte d’ensoleillement, il est d’abord nécessaire de recueillir les données terrain puis de les traiter et de les modéliser numériquement et enfin d’en analyser les résultats.1) Le mesurage des lieux Il est nécessaire de mesurer dans les trois dimensions (X, Y, Z : longitude, latitude, altitude) les lieux litigieux, en particulier le bâtiment créant l’ombre et la zone susceptible d’être impactée par l’ombre.Pour ce faire, le géomètre utilise une station robotisée à visée laser qui permet d’obtenir une précision centimétrique.

La modélisation des éléments relevés sur le terrain est effectuée avec un logiciel de cartographie professionnel qui donne une situation actuelle. Puis, grâce au permis de construire, aux éléments anciens ou même à des photographies, il convient de supprimer les éléments nouveaux afin d’obtenir l’état des lieux avant travaux.

Afin de mesurer la perte d’ensoleillement, il convient de multiplier la surface ensoleillée par la durée d’exposition avant et après travaux. Ceci va permettre de quantifier la perte d’énergie subie. Ces calculs ne tiennent pas compte des conditions météorologiques rencontrées les jours choisis pour les me-sures et qu’ils correspondent à un ensoleillement idéal, sans nuages masquant le soleil. La comparaison des résultats permet de conclure que l’extension de la construction, de par sa taille et son orientation, crée une perte d’ensoleillement.

Nul ne dispose d’un droit de propriété sur sa vue et sur le paysage environnant. La cour d’appel de Montpellier l'a rappelé en 2014 :«La restriction partielle de la vue sur la mer et de l'ensoleillement résultant de la terrasse de M. L ne constitue pas pour M. C, son voisin, un préjudice indemnisable. En effet, outre que nul ne dispose d'un droit à la vue sur l'environnement, cette gêne ne constitue pas un trouble anormal de voisinage dans ce milieu très fortement urbanisé où les maisons sont accolées les unes aux autres et où chacun doit s'attendre à être privé d'un avantage en fonction de l'évolution du bâti.» (Cour d'appel de Montpellier, Ch. 1, section A O1, 22 mai 2014, RG N° 12/06889). Ce principe toujours d’actualité, comporte néanmoins de nombreux tempéraments apportés par la jurisprudence sur les troubles anormaux du voisinage, qui laissent encore une marge de manœuvre pour les voisins malchanceux. Un permis de construire est toujours accordé sous réserve du droit des tiers qui peuvent agir devant le juge civil pour trouble anormal du voisinage. Il n’est pas impossible de défendre une vue exceptionnelle sur un massif montagneux même si un permis de construire a été délivré en respectant les règles d’urbanisme locales. La cour d’appel de Pau a été sensible aux arguments des voisins victimes de l’implantation à proximité de leur maison, d’une nouvelle habitation qui leur cachait cette vue sur les Pyrénées : «Il est constant en droit que les permis de construire ne sont accordés que sous réserve du respect du droit des tiers. Par ailleurs, en droit, il résulte de la restriction au droit de propriété résultant des dispositions de l'art. 544 du code civil, qu'il est interdit de causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Ces dispositions légales permettent la mise en œuvre d'un régime de responsabilité civile indépendant des autres régimes de responsabilité et étranger à toute notion de faute. En l’espèce, il est établi que la construction d'une maison de 6,65 m de haut et de 7 m de long à proximité de la limite de propriété a occasionné à M. et Mme L, en réduisant très sensiblement l'ensoleillement dont ils bénéficiaient auparavant, une nuisance excédant les inconvénients normaux du voisinage. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.» (Cour d’appel de Pau, Ch. 1, 31 mars 2014, N° 14/1221, 13/00306). Les nouveaux propriétaires s’étaient accolés juste en limite de terrain, alors qu’ils avaient vraisemblablement eu le choix d’un autre emplacement moins préjudiciable et que l’obstruction de la vue était totale donc particulièrement gênante. Il a été reconnu l’existence d’un préjudice de jouissance dans le cas d’une maison de retraite construite à proximité d’une habitation qui la privait du soleil une bonne partie de la journée, rendant la piscine inutilisable. L’expert judiciaire avait évalué la parte de valeur de la maison à environ 150.000 euros ce qui justifiait amplement la demande de dédommagement : «Du fait de la construction d'une maison de retraite, dont les murs ont une hauteur de 10,50 mètres, les propriétaires de la maison située sur le terrain voisin ont subi une perte d'intimité du fait des nombreuses fenêtres de l'immeuble collectif donnant sur le jardin et la piscine, une perte de vue, puisque la maison a perdu la vue sur le village et la campagne environnante, une privation d'ensoleillement, la piscine étant désormais à l'ombre dès le milieu d'après-midi, et ils subissent des nuisances sonores émanant d'appareils de ventilation et d'aération de l'immeuble collectif. Ces divers troubles, de par leur importance et leur impact particulièrement dégradant sur l'environnement qui faisait l'agrément de la propriété des demandeurs avant l'implantation de l'ouvrage, excèdent à l'évidence les inconvénients normaux du voisinage. Ils sont à l'origine d'un préjudice de jouissance important en réparation duquel les voisins sont en droit de réclamer, au regard du caractère définitif et inévitable des nuisances, des dommages-intérêts évalués à 50.000 euros. La dépréciation de la maison doit être évaluée à 148.000 euros qui représente 40 % de la valeur de l'immeuble. Enfin, les frais de plantation d'arbres pour préserver l'intimité doivent être estimés à 1500 euros.» (Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 8 oct. 2013, RG N° 12/00625). La construction d’un immeuble en copropriété qui entoure une cour, au point de la transformer en un simple puits sans vue et apport direct de lumière justifiera également un dédommagement pour la parte de valeur du bien et le préjudice de jouissance :«La perte d'ensoleillement consécutive n'est pas contestable, alors que la cour est orientée au sud-ouest, situation favorisant l'exposition à la lumière et à l'ensoleillement. Si la propriété des requérants, les époux A, se trouve dans une zone très urbanisée générant une perte d'ensoleillement résultant de la construction sur un fonds voisin, celle subie dépasse les inconvénients normaux du voisinage dès lors que la construction voisine borde presque intégralement les deux côtés de leur cour au point de la transformer en un puits sans vue ni lumière directe provenant du soleil.» (Cour d'appel de Douai, Ch. 1, sect. 2, 3 juill. 2013 - RG N° 12/03564).

Les cas d’indemnisation sont réservés à des situations graves, dans lesquelles la perte d’ensoleillement et de vue entraînent une gène considérable. Dans des cas plus anodins, il n’est pas possible de demander réparation dans un milieu urbain. La jurisprudence civile ne se limite pas à sanctionner des ouvrages humains, elle s’intéresse aussi aux obstacles naturels sur un terrain. Elle peut s’appuyer notamment sur quelques dispositions du code civil qui protègent le voisinage des arbres de haute futaie qui seraient plantés à proximité de la limite de parcelle.

En l’absence d’usages locaux, les arbres ou arbustes dont la hauteur dépasse deux mètres doivent être implantées à deux mètres de la ligne séparative des fonds, et à la distance de soixante centimètres, pour les autres (c.civ. art. 671). Une réponse ministérielle apporte une précision importante lorsque les arbres privent une propriété de l’apport de soleil alors qu’elle a installé des panneaux photovoltaïque sur son toit : «en cas de trouble de voisinage causé au fonds voisin, le juge faisant application de la théorie des troubles de voisinage peut contraindre le propriétaire des plantations à procéder à leur élagage.

La jurisprudence détermine dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation et en fonction des cas d'espèce les obligations qui doivent être imposées au propriétaire des plantations. Cette appréciation au cas par cas permet de préserver le patrimoine écologique que constituent les arbres, d'appliquer de manière adaptée les règles destinées à créer les conditions d'un bon voisinage entre propriétaires de fonds jointifs et d'atteindre un juste équilibre entre les droits et les obligations de chacun des propriétaires riverains.» (Réponse publiée au JO le : 30/04/2013 page : 4800). Un arrêt de la cour d’appel de Chambéry de 2014, a reconnu l’existence d’un trouble anormal compte tenu résultant de la présence d’arbres de haute taille : «Les époux M. sont recevables à demander en raison du trouble qu'ils subissent dans l'occupation de leur logement, même sans la démonstration d'une faute, à invoquer une perte d'ensoleillement, de luminosité et à réclamer qu'une solution soit mise en œuvre de ce chef. La proximité des arbres, leur taille importante, occasionnent pour l'appartement du premier étage effectivement une perte de luminosité, mais le trouble n'est excessif dans une région de montagne que dans la mesure où il va au-delà des contraintes normales du voisinage et du contexte d'implantation et de vie sur place. Les arbres ont une trentaine d'années, ils avaient une vingtaine d'années à l'époque de la construction de la copropriété. Leur croissance était prévisible mais il est cependant établi par les éléments du dossier qu'ils empiètent sur le jardin voisin et en cela, par cette avancée, aggravent la perte de luminosité pour l'appartement du premier étage et qu'un élagage, tel que préconisé par l'expert judiciaire, permettrait de laisser passer davantage de lumière sans inconvénient pour la santé des arbres qui sont robustes et en bonne santé. Cette demande d'élagage ne peut être atteinte par la prescription. Il y sera fait droit.» Le juge adopte une analyse nuancée, «au cas par cas» et examine notamment la destination de la parcelle. Si celle-ci est utilisée à des fins agricoles, arboricoles, la présence de soleil est indispensable, et donc sa privation est un préjudice indemnisable : «La privation d’ensoleillement, en ce qu’elle compromet le développement et la mise à fruits de ces végétaux et empêche l’exploitation de leur parcelle dans des conditions normales, constitue un trouble anormal de voisinage (Civ. 3e, 3 mai 2011, F-D, n° 09-70.291).

Dans un arrêt en date du 29 septembre 2015 (C.cass, 29 septembre 2015, n°14-16729), la Cour de cassation estime que ne constitue pas un trouble anormal de voisinage la construction de logements dans le voisinage dans la mesure où la perte d’ensoleillement n’excède pas le risque encouru du fait de l’installation en milieu urbain. En l’espèce des particuliers avaient assigné une société qui avait édifié sur une parcelle voisine de leur propriété deux bâtiments de 16 logements en réparation d’un trouble anormal de voisinage qui étaient caractérisé par une perte d’intimité et d’ensoleillement. Ils avaient obtenu partiellement satisfaction en première instance mais la Cour d’appel avait censuré ce jugement au motif qu’une haie végétale permettait de supprimer la perte d’intimité et qu’au surplus il n’y avait pas d’incidence de la construction projetée sur l’ensoleillement.

Dans l’espèce qui lui est soumise, la Cour de cassation confirme l’appréciation de la cour d’appel et refuse de reconnaître l’existence d’un trouble anormal de voisinage aux motifs que : « qu’ayant relevé que les constructions avaient été réalisées en zone urbaine dans un secteur où la situation existante et son maintien ne faisaient l’objet d’aucune protection particulière, qu’une haie végétale permettrait de diminuer ou de supprimer la perte d’intimité résultant des vues sur une partie du jardin depuis l’un des bâtiments construits, que les constructions édifiées au nord de la parcelle où se trouvent leur mas et leur piscine n’avaient qu’une faible incidence sur leur ensoleillement et que, s’agissant de la parcelle située au Sud-Ouest, rien n’établissait que la luminosité de la maison était affectée dans des proportions excédant le risque nécessairement encouru du fait de l’installation en milieu urbain, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif surabondant tenant à la proximité d’un centre commercial, a souverainement retenu que l’existence d’un trouble anormal du voisinage n’était pas établi ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation n’est pas sans rappeler la jurisprudence rendue jusqu’à présent, qui confirme que le trouble anormal de voisinage s’apprécie à l’aune de l’environnement dans lequel s’inscrit le trouble supposé : ainsi n’excède pas les inconvénients normaux du voisinage la perte de vue et d’ensoleillement résultant de l’implantation d’un bâtiment dès lors que ces troubles sont la conséquence inévitable de l’urbanisation progressive des communes situées dans les banlieues de grandes villes et particulièrement de Paris, et de la concentration des constructions sur des terrains de dimensions modestes (CA Paris, 19e ch. A, 28 mars 1995 : JurisData n° 1995-020964). De la même manière, il a été jugé que la perte de vue résultant du fait que le nouvel immeuble est plus haut d’un étage que les anciens bâtiments ne constitue pas un trouble, s’agissant d’une élévation modérée qui s’inscrit dans un environnement urbain entrant dans les prévisions raisonnables d’un développement citadin (CA Rouen, 1re ch., 10 janv. 2007 : JurisData n° 2007-334206). Enfin, l’immeuble édifié se trouvant dans une zone suburbaine ayant vocation à évoluer vers des caractéristiques plus urbaines, la perte de vue et d’ensoleillement ne présente pas le caractère d’anormalité nécessaire à la qualification de trouble de voisinage (CA Rouen, 1re ch., 15 nov. 2006 : JurisData n° 2006-323597).

Dans un arrêt du 7 février 2019 (Civ.3eme, 07.02.2019, N°16-21253), la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui a constaté, qu’une fois déduite la perte de luminosité imputable à la configuration de la toiture de la maison des demandeurs (débord de toiture en « queue de vache ») et à la présence d'une haie séparative (de 2m de hauteur), la construction voisine faisait subir à la propriété une perte d'ensoleillement de 20 à 72% selon les pièces de la maison et de 58% pour la pièce principale du séjour dans laquelle l'éclairage artificiel s'imposait en permanence.

En l’espèce, les propriétaires d’une maison d’habitation, ont, après expertise ordonnée en référé, fait assigner leur voisine en indemnisation d’un trouble de voisinage résultant d’une perte d’ensoleillement consécutive à la construction par celle-ci d’un pavillon sur la parcelle contiguë.

En jugeant que, bien que la construction en question était conforme au permis de construire, le respect des dispositions légales n’exclut pas pour autant l’existence de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, la Cour de cassation vient préciser la théorie du trouble anormal de voisinage, en délimitant les contours de cette notion : l’anormalité du trouble doit s’apprécier en fonction de l’environnement, de la destination des lieux et des circonstances de temps, et faire apparaître un trouble excédent par sa gravité et son caractère exceptionnel les inconvénients normaux de voisinage.

La Haute juridiction confirme donc le jugement des juges du fonds qui ont souverainement déduit des faits de l’espèce que cette nuisance, par son importance, constituait un trouble anormal du voisinage.


En zone urbaine, si le trouble de voisinage résultant de constructions nouvelles régulièrement autorisées peut parfois être admis, l’appréciation du caractère anormal du trouble doit tenir compte du milieu existant, nul n’étant assuré, à défaut de bénéficier d’une servitude non aedificandi, de conserver un environnement totalement dégagé dans une zone dédiée à l’urbanisation. Il en résulte que l’ensoleillement d’un immeuble ne peut pas, en ville, être immuable et faire l’objet d’une sorte de droit acquis au bénéfice de propriétaires d’immeubles déjà construits, lesquels ne sont pas fondés à arguer de tels troubles dès lors que leur propriété se situe dans une zone d’habitat continu, rendant prévisible, notamment du fait de l’existence d’un plan d’urbanisme, l’édification de nouvelles constructions.

Dans un arrêt de 2020 (Cour d’appel de Rennes, 1ère chambre, 17 mars 2020, RG n° 18/00228), le salon-séjour de la maison de M. et Mme X, seule pièce souffrant de la perte d’ensoleillement consécutive à la construction édifiée sur la parcelle voisine, est largement éclairé par trois baies vitrées, l’une à l’Est, la seconde au Sud et la troisième à l’Ouest. La baie vitrée ouverte sur le pignon Sud, implanté à une distance comprise entre 2,98 mètres et 4,24 mètres de la limite séparative des fonds, est en milieu de journée, du fait de l’ombre portée par la construction voisine, totalement privée d’ensoleillement direct pendant la période comprise entre le 16 octobre et le 24 février et partiellement privée de cet ensoleillement au début du mois d’octobre et jusque vers la mi-mars. Les époux X en déduisent l’existence d’un trouble anormal de voisinage.

Mais en implantant leur maison en milieu urbain, quasiment à la distance minimale de la limite de propriété imposée par le règlement d’urbanisme (3 mètres), alors qu’ils savaient que la parcelle voisine était également destinée à être occupée par une construction soumise à des règles d’urbanisme comparables qu’ils avaient déjà la possibilité de connaître, à savoir une construction d’une hauteur d’environ 11 mètres implantée à 3 mètres de la limite séparative des fonds, les époux X savaient que l’ensoleillement provenant de la baie ouvrant sur le pignon Sud serait à bref délai limité au moins pendant certaines périodes de l’année. Or, l’expert a démontré que le volume de l’immeuble réalisé est bien inférieur à ce qu’autorisait le règlement d’urbanisme, tant en terme de recul par rapport à la limite séparative des fonds que de hauteur de l’immeuble, notamment en raison de la construction du dernier étage en attique. Il en résulte que la perte d’ensoleillement résultant de cette construction est nettement moindre que ce à quoi les époux X s’exposaient et ne caractérise pas un trouble anormal de voisinage.

En outre, le trouble mis en évidence par l’expert est limité en durée, tant dans la journée que dans l’année, et n’a pas d’impact significatif sur les conditions d’habitabilité de l’immeuble, ni même de la pièce impactée par cette perte relative de luminosité de sorte qu’il n’excède pas non plus à ce titre, les inconvénients normaux de voisinage dans un secteur urbanisé. Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé.

D’une manière générale, la perte de vue et d’ensoleillement résultant de l’implantation d’un bâtiment dès lors que ces troubles sont la conséquence de l’urbanisation et la concentration des constructions sur les terrains de dimensions modestes ne constitue pas un trouble indemnisable.

La réduction de l’ensoleillement est un inconvénient normal et prévisible de voisinage en zone urbaine de l’habitat continu. Ainsi, tout propriétaire en zone urbaine doit s’attendre à être privé d’un avantage de vue ou d’ensoleillement (Cour d'appel de Nîmes, 2e chambre section a, 17 septembre 2020, RG n° 18/04155).

Les époux X et les consorts A-N estiment que la présence de la construction édifiée par la Sarl Immo Habitat en bordure du lotissement génère un trouble anormal de voisinage, les privant de vue et de soleil.

Il convient cependant de rappeler que les biens acquis sont situés en zone urbaine de sorte que les époux X et les consorts A-N, comme tout propriétaire, devaient s’attendre à être privés d’un avantage de vue ou d’ensoleillement en raison de la proximité de constructions susceptibles d’être édifiées sur les parcelles environnantes, de tels avantages ne constituant pas des droits acquis.

Pour démontrer le préjudice qu’ils subissent, les époux X et les consorts A-N se bornent à verser aux débats des photographies censées représenter le parc environnant avant et après.

Toutefois ces photographies ne sont pas de nature à appréhender l’éventuelle nuisance subie par leur propriété respective en termes de perte de soleil et de vue.

Par ailleurs, les photographies révèlent que la construction litigieuse se compose d’un petit collectif de trois bâtiments élevés d’un étage sur rez de chaussée et s’intègre dans l’environnement du fait que son architecture s’harmonise avec celle des villas du lotissement et que sa faible hauteur ne dépassant pas le faite des arbres du parc permet de conserver un environnement verdoyant.

Cette analyse est partagée par une majorité de propriétaires du groupe d’habitations, qui relatent que s’ils avaient craint dans un premier temps une altération de leur cadre de vie, depuis la fin des travaux ils considèrent que la construction litigieuse qui s’intègre bien dans le parc ne constitue nullement une gêne notamment en ce qui concerne la vue et l’ensoleillement.

En définitive, il apparaît que la demande de dommages et intérêts des époux X et des consorts A-N ne peut prospérer sur aucun des fondements invoqués. Il y a donc lieu de confirmer la décision de première instance qui a débouté les époux X et les consorts A-N ainsi que M. Z de l’ensemble de leurs demandes.


Pour que le trouble soit retenu, il faut caractériser une perte d’ensoleillement clairement significative (40% et plus) pour que la perte de vue et d’ensoleillement soient considérés comme dépassant les contraintes inhérentes à l’urbanisation.

La perte d’ensoleillement d’une résidence secondaire située dans un environnement rural à faible densité de population et non dans une zone en voie d’urbanisation peut constituer un trouble anormal du voisinage justifiant la démolition de la surélévation qui en est la cause. ( Cass. 3e civ. 22-10-2020 n° 18-24.439 F-D ).

Après avoir été déboutés de leur recours en annulation du permis de construire d’une extension et d’une surélévation par leurs voisins, les propriétaires d’une résidence secondaire sollicitent la démolition de ces constructions sur le fondement du trouble anormal du voisinage occasionné par une perte d’ensoleillement. La cour d’appel ordonne la démolition partielle de la surélévation.

Devant la Cour de cassation, les voisins font valoir le caractère disproportionné de la démolition par rapport au droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile, protégés par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme. À l’appui de cet argument, ils prétendent que la perte d’ensoleillement est à la fois limitée à une infime partie de la cour des demandeurs et seulement durant 3 à 4 mois dans l’année, quand les demandeurs ne sont présents que quelques semaines par an. Enfin, leur maison se situant au cœur du village, avec une cour encaissée et entourée d’autres immeubles, les demandeurs ne pouvaient ignorer, lors de leur acquisition, que les parcelles voisines étaient constructibles.

La Haute Juridiction rejette l’argumentaire. Elle relève d’abord que le caractère disproportionné de la démolition n’a pas été invoqué devant les juges du fond, qui n’avaient donc pas à se prononcer sur ce point. Elle approuve ensuite la cour d’appel pour avoir relevé les points suivants :

- la maison des demandeurs est située dans un environnement rural à faible densité de population et non dans une zone en voie d’urbanisation ;

- leur cour, qui bénéficiait d’un bon ensoleillement durant les mois d’été, est désormais totalement à l’ombre à compter de 16 heures en plein été ;

- la circonstance que la maison sert de résidence secondaire n’est pas de nature à exclure l’existence d’un trouble anormal du voisinage dès lors que celle-ci a précisément pour vocation d’être occupée en période estivale.

L’action en réparation du trouble anormal du voisinage résultant d’une construction nouvelle édifiée conformément à un permis de construire n’implique aucune appréciation de la légalité de ce permis (Cass. 3e civ. 20-7-1994 n° 92-21.801 : Bull. civ. III n° 158). Il s’agit d’une action en responsabilité objective dont la mise en œuvre suppose que soient prouvés un trouble anormal, un préjudice et un lien de causalité entre le trouble et le préjudice subi.

Les juges du fond, dont le pouvoir d’appréciation est souverain en la matière, prennent essentiellement en compte l’importance de la perte de lumière et le lieu de situation de l’immeuble du demandeur pour caractériser l’anormalité du trouble lié à une perte d’ensoleillement et d’intimité. L’action est souvent rejetée lorsque le bien est situé dans un environnement urbain (notamment : Cass. 3e civ. 4-12-2001 n° 00-14.893 F-D, pour une zone pavillonnaire ; Cass. 3e civ. 15-12-2016 n° 15-25.492 F-D : BPIM 1/17 inf. 70). Il a même été jugé que l’agrément de profiter d’une vue dégagée ne constitue pas une servitude de vue ni, en milieu urbain, un droit acquis (Cass. 3e civ. 4-11-2014 n° 13-19.122 F-D : BPIM 6/14 inf. 458).



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