
Vous êtes propriétaire d’un bien et vous souhaitez le céder. Rien d’extraordinaire jusque là, sauf que celui-ci est occupé par un locataire. Dès lors, vous pouvez avoir à gérer deux configurations de vente différentes. Si le locataire vient d’emménager et signer son bail, vous n’aurez d’autre solution que de vendre le bien loué - ce qui généralement est accompagné d’une décote du bien de 10%. En revanche, si le bail de location arrive à échéance, vous pourrez congédier le locataire pour vente. C'est-à-dire que vous ne reconduirez pas le bail de location. Pour autant, ce congé de vente nécessite de respecter un grand nombre de prescriptions visant à protéger les différentes parties... et plus particulièrement (et tout à fait normalement) le locataire.
Le locataire… futur propriétaire prioritaire ?!
Nous l'avons déjà dit, vous avez parfaitement le droit de congédier un locataire pour vendre le logement en fin de bail, libre de tout occupant.
Toutefois certains locataires échappent à ce principe général. En effet, l’article 15, III, de la loi du 6 juillet 1989 définit une catégorie de locataires protégés d’un congé pour vente : il s’agit des locataires âgés de plus de 65 ans dont les ressources sont inférieures à un plafond fixé par arrêté ministériel.
Si le locataire appartient à cette catégorie, le propriétaire ne peut pas lui donner congé sans lui proposer un logement de remplacement correspondant à ses besoins et possibilités dans certaines limites géographiques - sauf si le propriétaire est lui-même âgé de plus de 65 ans ou si ses ressources sont inférieures au plafond susvisé.

Si votre locataire ne rentre pas dans cette catégorie, voici ce que vous devez savoir et surtout respecter dans le cadre d’un congé pour vente. Première règle incontournable : lorsque le propriétaire souhaite vendre, le locataire bénéficie du droit de préemption. C'est-à-dire qu’il est prioritaire sur tout autre acquéreur pour acheter le logement. C'est donc à ce dernier que vous devez transmettre un congé de vente qui vaut offre de vente à son profit.
Deuxième règle importantissime : en cas de congé pour vente, vous devez informer le locataire au moins 6 mois avant le terme du bail. À défaut, le contrat de location sera reconduit tacitement et votre projet de vente sans locataire aura alors du plomb dans l’aile !
NB : Le terme du bail s’apprécie en fonction de la date d’effet du contrat de location.Le point de départ du délai de préavis est la notification du congé :
> lorsque le congé est délivré par acte d’huissier, le délai court à compter du jour de la signification de l’acte d’huissier au locataire ;
> lorsque le congé est délivré par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée par le locataire, c’est-à-dire à partir de la remise effective de la lettre à son destinataire ;
> lorsque le congé est remis en main propre, le délai court à compter de la date de cette remise contre récépissé ou émargement.
Lorsqu’un délai est exprimé en mois, il expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte. À défaut, le délai expire le dernier jour du mois (art. 641 du code de procédure civile).
Il faut savoir qu'il existe des situations où le droit de préemption du locataire ne s'applique pas. C’est lorsque :
un parent proche du propriétaire, jusqu'au 3e degré inclus (neveu ou nièce, oncle ou tante, enfant, petits-enfants, grand-parent, arrière-grand-parent), se porte acheteur du logement ;
et à la condition que ce parent habite le logement au moins 2 ans après la date de fin du préavis. Pas la peine d’y installer votre fils 2 mois puis de le vendre à un parfait inconnu !
À quoi ressemble un congé pour vente ?
Considérons que la situation de location vous permette d'envisager un congé pour vente... Vous vous apprêtez donc à informer votre locataire de votre projet de vente.
Vous devez le faire dans une lettre de congé dans laquelle vous devez mentionner le motif du congé : la vente du bien. [C’est bon vous suivez !?]
Télécharger un modèle de lettre de congé...
Normalement, vous n’avez pas plus de précisions à fournir à votre locataire. Pourtant, sachez qu’en cas de litige, le juge pourra annuler votre congé, dans la mesure où il estimera que celui-ci n’était pas justifié par des éléments « sérieux et légitimes », notamment s’il apparaissait a posteriori que vous n’aviez pas réellement le projet de vendre… mais que vous aviez simplement le projet de vous débarrasser de votre locataire ! Pour illustrer un congé de vente frauduleusement justifié, sachez que si on ne peut pas reprocher à un bailleur de mettre en vente son bien à un prix supérieur à celui du marché pour en tirer le meilleur prix, il ne faut pas que ce prix soit excessif. L’opération serait alors perçue comme une tentative de fraude des droits du locataire.
Le fait de délivrer un congé justifié frauduleusement par une décision de vendre le logement est puni d'une amende pénale maximale de 6 000 € pour une personne physique et de 30 000 € pour une personne morale. Le montant de l'amende est proportionné à la gravité des faits constatés.
Le locataire peut se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice (Loi n° 89-462 du 6-7-1989 art. 15, IV).
Hormis d’être sérieux et légitime, le congé pour vente est assujetti à un formalisme important qui, s'il n'est pas respecté, peut entraîner sa nullité.
L’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 dispose que vous disposez de 3 manières d'informer votre locataire : « Le congé doit être notifié par :
lettre recommandée avec demande d'avis de réception,
signifié par acte d'huissier,
ou remis en main propre contre récépissé ou émargement ».
Le congé pour vente doit préciser, sous peine de nullité, le prix, les conditions et l’objet précis de la vente (art. 15-II de la loi du 6.7.89 et art.1129 du code civil).
L'objet précis de la vente signifie qu'il doit être déterminé et correspondre en tout point à ce qui a été donné à bail ; autrement dit il doit correspondre exactement au logement que le locataire occupait.
L'objet de l'offre ne peut se contenter de mentionner qu'elle porte sur "les locaux compris dans la location" (CA Versailles, 1re ch., 10 juill. 2002 : JurisData n° 2002-245588 ou sur "la maison louée suivant le bail" (CA Nîmes, 2e ch., 26 juill. 2005 : JurisData n° 2005-282073 ; Loyers et copr. 2006, comm. 9). De même a été déclarée nulle une offre portant sur "l'appartement et ses accessoires" (CA Paris, 6ème ch. C, 3 oct. 2006 : AJDI 2007, p. 41), sans plus de précisions.
De la même manière le bailleur ne pourrait offrir au locataire d'acheter une partie seulement des locaux loués, par exemple l'appartement mais pas le garage (CA Paris, 6e ch. C, 5 févr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 157).
Enfin, le congé doit reproduire intégralement les cinq premiers alinéas de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, le tout à peine de nullité.
En application de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, une notice d’information rappelle les obligations du bailleur ainsi que les voies de recours et d’indemnisation du locataire lors d’un congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre pour y habiter ou y loger un proche ou de vendre le logement.
Elle est obligatoirement jointe au congé délivré par le bailleur pour ces motifs.
Télécharger la notice d'information...
Qui peut délivrer le congé pour vente ?
Le congé doit être délivré au locataire par le bailleur. Les indivisaires ne peuvent notifier un tel congé qu'avec l'accord unanime de tous les indivisaires (article 815-3 du code civil) compte tenu du fait qu’il constitue un acte de disposition.
Le congé pour vente délivré par l’un des co-indivisaires sans l'accord de tous, ne peut produire d'effet (Cass. Civ. 3ème 8 avril 1999, BICC 1999 III N° 88 p. 60).
En cas de démembrement de propriété, l'usufruitier doit obtenir l'accord du nu-propriétaire (CA Dijon 18 février 2000 L et C février 2001, p.10, CA Paris, 14 mars 2003, 19 février 2004).
Lorsque le bien appartient à une personne morale, il est nécessaire de vérifier que celui qui délivre le congé est bien habilité à le faire aux termes des statuts ou d'une délibération de l'assemblée (CA Paris, 6ème ch. C, 29 janv. 1996 : JurisData n° 1996-020090).
Au préalable, il convient de vérifier si la vente envisagée entre dans l’objet social. À défaut, le congé serait entaché d'une irrégularité de fond qui pourrait être soulevée en tout état de cause.
Le congé doit être adressé à tous les signataires du bail. Lorsqu’il y a plusieurs locataires, le congé doit être adressé à chacun des colocataires
Le bailleur n’est pas tenu de notifier le congé au concubin du locataire, si celui-ci n’est pas signataire du bail. En revanche, si le bailleur n’a pas été informé du mariage ou du Pacs, le congé délivré est opposable au conjoint ou au partenaire lié par un Pacs (art. 9-1).
Le locataire a reçu l’offre de vente et maintenant…
À partir de la date de réception de la lettre de congé, le locataire dispose d'un délai de 2 mois pour accepter ou refuser l'offre de vente. Son absence de réponse équivaut à un refus, il n'est donc pas contraint de répondre.
Si le locataire accepte l’offre de vente du logement dans le délai fixé, toute éventuelle promesse de vente signée par le bailleur et un autre acquéreur est nulle.
L'acceptation de l'offre n'est soumise à aucun formalisme légal.
Le locataire peut cependant choisir de contester le congé notifié s'il considère sa validité douteuse, tout en acceptant l'offre de vente faite sous réserve de la validité du congé. Il a ainsi été jugé que la stipulation d'une condition résolutoire tenant à l'appréciation judiciaire de la validité du congé Le locataire peut valablement contester le congé qui lui est délivré au motif d'un prix proposé excessif par rapport au prix du marché.
L'acceptation par le locataire de l'offre de vente produit deux effets :
Le premier de ces effets est d'ouvrir le délai de réalisation de l'acte de vente.
Le second effet de l'acceptation du locataire est d'entraîner la prorogation du contrat de location jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente (art. 15 II, al. 3).
Ce délai, qui court à compter de la date d'envoi de la réponse du locataire au bailleur, est de deux mois. Il s'agit d'un délai préfix.
Mais si dans sa réponse le locataire "notifie son intention de recourir à un prêt", l'acceptation par celui-ci de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois (art. 15, II, al. 3 de la loi du 6 juillet 1989).
A l’expiration du délai de deux mois dont dispose le locataire pour préempter (ou 4 mois si le locataire a recours à un prêt), lorsque la vente n’est pas effectivement réalisée, l’acceptation est nulle de plein droit et le locataire est déchu de tout titre d’occupation. Il n’est pas acquéreur et n’est plus locataire.
Le cas échéant, le bailleur aura la possibilité de saisir le Tribunal judiciaire afin de demander au Juge de constater la résiliation du bail d’habitation et d’ordonner l’expulsion du locataire dès lors que celui-ci refuse de quitter les lieux.
Une telle demande ne peut être admise que dans l’hypothèse où la non réalisation de la vente dans le délai imparti est due au fait du locataire.
Si le locataire n’accepte pas l’offre de vente du logement, garde le silence ou émet une contre-proposition non acceptée par le bailleur, il doit quitter les lieux au plus tard le dernier jour du préavis. Il peut cependant quitter les lieux quand il le souhaite pendant la durée du préavis, il n’est alors redevable du loyer et des charges que jusqu’à la date de remise des clés. Il est alors conseillé d’informer le bailleur de son départ dans un délai raisonnable afin de fixer une date pour l’établissement de l’état des lieux de sortie.
Ce n’est pas parce que le locataire a refusé l’offre que tout est possible pour le vendeur !
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre le bien à un tiers à des conditions ou à un prix plus avantageux que ceux prévus dans l’offre de vente initiale refusé par le locataire, ce prix ou ces conditions doivent être notifiés à ce dernier par le bailleur, ou par le notaire si le bailleur ne s’en est pas chargé. Si cette notification n’est pas faite, la vente consentie est nulle. Cette notification doit reproduire les termes des cinq alinéas de l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 précitée.
Si le locataire a communiqué au bailleur sa nouvelle adresse, la notification sera faite à cette adresse. S’il ne la fournit pas, la notification est faite à l’adresse du logement mis en vente.
Cette notification constitue une nouvelle offre de vente au profit du locataire. Pour accepter cette offre, le locataire dispose d’une période d’un mois à compter de sa réception.
S’il accepte cette nouvelle offre de vente, le locataire dispose d’un délai de deux mois à compter de la date d’envoi de sa réponse pour signer l’acte de vente. S’il fait part de son intention de recourir à un prêt bancaire, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Pour approfondir : La notice d’information jointe au congé pour vendre ou pour reprise
Le droit de préemption du locataire en cas de congé pour vendre
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