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Le démembrement de propriété



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Le droit de propriété (défini par l’article 544 du Code Civil) est habituellement défini par trois termes : l’abusus, l’usus et le fructus.


L’abusus peut être traduit par le droit de disposer du bien, l’usus par le droit d’utiliser le bien et le fructus par le droit d’en retirer les fruits (comme les loyers) au sens juridique du terme. Il arrive fréquemment que ces prérogatives soient séparées en deux : on parle alors de démembrement de propriété : une personne n’a alors que l’abusus c’est-à-dire le droit de disposer du bien : le nu-propriétaire tandis que l’autre personne possède l’usus et le fructus que l’on appelle le droit d’usufruit, c’est l’usufruitier.


L'usufruit est le droit de jouir d'un bien sans en être propriétaire et à condition d'en assurer la conservation. C'est une autre personne qui dispose de la nue-propriété du bien.

Vous pouvez être usufruitier dans l'une des situations suivantes :

  • En tant que parent, vous avez l'usufruit sur les biens de vos enfants âgés de moins de 16 ans. Vos enfants sont les nus propriétaires des biens.

  • En tant que veuf ou veuve, vous pouvez recevoir le patrimoine de votre époux ou épouse décédé(e) en usufruit. Les enfants du défunt deviennent nus propriétaires des biens.

Vous pouvez aussi bénéficier d'un usufruit par testament ou par contrat (vente ou donation d'un droit d'usufruit).


L’usufruitier peut percevoir les fruits de la chose ainsi il perçoit les loyers lorsque le bien est loué. En vertu de l’article 595 alinéa 1er du Code Civil, l'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. L’usufruit peut être cédé en tant que droit démembré, le cessionnaire a les mêmes droits et obligations que le cédant de l’usufruit, l’usufruit aura la durée de vie du cédant ou la durée fixée si elle est plus courte.


L’usufruitier est redevable de toutes les charges annuelles relatives au bien dont il a la jouissance. Elles sont censées être la contrepartie du droit d’usage qu’il a sur ce bien (art. 608 du code civil). Dans la mesure où il l’occupe (ou en perçoit les loyers), il est normal que ce soit lui qui supporte les charges. Toutes les dépenses courantes (eau, électricité, gaz…) et les impôts pèsent donc sur l’usufruitier.

Le code général des impôts prévoit que la taxe foncière sera établie au nom de l’usufruitier (art. 1400 du CGI), c’est donc à lui, en principe, de la payer. Mais ce n’est pas une obligation absolue: les parties peuvent décider, dans l’acte créant l’usufruit, que cette taxe reviendra au nu-propriétaire. Lors d’un divorce, par exemple, si l’usufruit d’un logement a été attribué à l’épouse à titre de prestation compensatoire, le juge aux affaires familiales peut préférer que la taxe foncière revienne au mari, nu-propriétaire, plutôt qu’à l’épouse (CA de Paris du 30.5.13, n° 12/13765). La taxe d’habitation doit être payée par l’usufruitier s’il occupe le bien, ou par le locataire s’il est loué (art. 1408 du CGI). Si le bien est loué, c’est l’usufruitier qui en perçoit les loyers. Il doit alors les déclarer dans ses revenus imposables.


En principe, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont solidairement tenus au paiement des charges de copropriété selon la répartition prévue par le code civil: les dépenses d’entretien et de fonctionnement incombent à l’usufruitier, celles qui relèvent des grosses réparations sont dues par le nu-propriétaire. Toutefois, une répartition différente peut être organisée.

L’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et l’article 45-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 précisent que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges de copropriété, chacun pour sa quote-part. Lorsqu’un bien se trouvant en copropriété est démembré entre un usufruitier et un nu-propriétaire, le syndic éprouve parfois des difficultés à se faire payer les charges de copropriété. Si le syndic est averti que le lot est démembré et si le règlement de copropriété ne comporte pas de clause de solidarité, les charges doivent être réclamées en distinguant ce qui incombe à l’usufruitier et au nu-propriétaire, en vertu de la répartition prévue par le code civil (CA de Versailles du 27.10.14, n° 13/01709). Pour faciliter le recouvrement des charges, il arrive souvent que le règlement de copropriété comporte une clause de solidarité. Cette clause précise qu’en cas de démembrement de propriété, les nus-propriétaires et usufruitiers seront solidairement responsables vis-à-vis du syndicat du paiement des charges afférentes audit lot. S’il existe une telle clause dans le règlement, le syndic pourra donc réclamer la totalité des charges indifféremment à l’usufruitier ou au nu-propriétaire, sans avoir à les ventiler (CA d’Aix-en-Provence du 18.9.14, n° 13/22458). Celui qui aura payé l’intégralité devra ensuite réclamer son dû à l’autre. En l’absence de cette clause de solidarité, le syndic ne peut pas exiger en justice le règlement total des charges. Il ne peut que demander à chacun un paiement à concurrence de ce qui lui incombe (CA de Chambéry du 30.5.13, n° 11/01024). Attention, si le règlement de copropriété comporte une clause de solidarité qui concerne les indivisaires, c’est-à-dire plusieurs propriétaires d’un même lot, elle ne s’applique pas à l’usufruitier et au nu-propriétaire. Car ces derniers ne sont pas des indivisaires (CA de Versailles du 27.10.14).


Le nu-propriétaire est dans une situation essentiellement passive. Il attend que l’usufruit prenne fin. Le nu-propriétaire peut vendre son droit de nu-propriété bien qu’en pratique, la valeur d’un tel droit est faible. Un accord avec l’usufruitier pour vendre la totalité du bien et se partager proportionnellement le prix de vente est la solution privilégiée en pratique. L’acte de vente devra alors préciser la valeur de chacun des droits démembrés. En amont de la signature de tout acte, il est donc nécessaire de parvenir un accord entre usufruitier et nu-propriétaire sur la répartition du prix de vente.

La valeur des droits démembrés peut être fixée conformément au barème fiscal de l’article 669 du Code Général des Impôts : l’évaluation des droits est fixée forfaitairement en fonction de l’âge de l’usufruitier.

La valeur des droits démembrés peut aussi être calculée suivant une méthode dite économique, formule de calcul qui conjugue divers paramètres et peut aboutir à valoriser davantage l’usufruit.


Les causes d’extinction sont multiples. Il s’agit en premier lieu du décès de l’usufruitier ou de l’arrivée du terme de l’usufruit (article 617 du Code Civil). Il existe d’autres causes : il peut y avoir renonciation de l’usufruitier, perte du bien objet de l’usufruit. L’usufruit peut également être transformé en rente viagère. Certaines dispositions légales permettent ainsi de demande la conversion de l’usufruit en rente viagère ainsi dans le cas d’un conjoint survivant. L’usufruitier peut également être déchu judiciairement de son droit en cas d’abus de jouissance, l’usufruit s’éteint également lorsque le nu-propriétaire retrouve l’usufruit du bien, ainsi lors du décès de l’usufruitier et que le nu-propriétaire est son héritier.

L’article 605 du Code civil dispose que l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu. Il ressort des dispositions de l’article 606 du Code civil que « les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien. » Si l’appréciation du caractère des réparations est une question de fait abandonnée à l’appréciation des tribunaux, les travaux à la charge du nu-propriétaire et énumérés à l’article 606 du Code civil sont quant à eux limitatifs. La réfection de zingueries affectant une partie importante de l’immeuble et nécessitant une dépense exceptionnelle est une grosse réparation (Civ. 1ere, 2 fev. 1955 : Bull. civ. I, n°55), tout comme la réfection des souches de cheminée (cic. 1ere, 15 mars 1961 : Bull. civ. I, n°166). En revanche, le ravalement d’un immeuble est une réparation d’entretien qui reste à la charge de l’usufruitier (Civ. 1ere, 21 mars 1962 : JCP 1963. II. 13272, note H. G.), tout comme le remplacement de la climatisation d’un immeuble (Civ. 3eme, 10 février 1999 : JCP N 1999. 501). L’usufruitier doit entretenir l’immeuble de telle sorte qu’il puisse le restituer à la fin de l’usufruit dans l’état dans lequel il se trouvait à l’ouverture de l’usufruit. Le nu-propriétaire dispose de la faculté de contraindre l’usufruitier d’exécuter les réparations d’entretien lui incombant. Tel n’est pas le cas de l’usufruitier qui ne peut obliger le nu-propriétaire à réaliser les travaux visés à l’article 606 du Code civil durant l’usufruit, sauf clause particulière expresse. L’usufruitier pourrait néanmoins exécuter les obligations qui incombaient au nu-propriétaire, à charge pour lui de demander le remboursement des fonds engagés ainsi que le paiement des sommes correspondant à la plus-value apportée au bien du fait de ses travaux (Civ. 1e, 18 décembre 2013, n° 12-18.537). Si le nu-propriétaire constate que l’usufruitier n’entretient pas le bien, ou le laisse se détériorer, il peut demander sa condamnation pécuniaire (cass. civ. 3e du 5.3.86) ou l’extinction de l’usufruit (art. 618 du code civil). Enfin, ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit.

Il a été jugé, que le remplacement et la peinture des portes palières d’un ascenseur, la mise aux normes de boîtes aux lettres, la réfection d’une cage d’escalier et d’une façade, qui avaient été décidés en assemblée générale de copropriété, étaient à la charge de l’usufruitier (cass. civ. 3e du 5.3.13, n° 12-13448). Même décision pour le remplacement d’une chaudière, la pose d’un ballon d’eau chaude et des travaux sur des fenêtres (CA de Riom du 4.12.12, n° 12/00253). En revanche, si l’usufruitier doit entretenir ce qui existe, en assumant les frais de ravalement, de recrépissage ou de peinture de façade, il n’est pas tenu de faire poser un enduit de protection qui n’existait pasau jour où l’usufruit a débuté (cass. civ. 3e du 5.3.86, n° 84-14147). Si le nu-propriétaire constate que l’usufruitier n’entretient pas le bien, ou le laisse se détériorer, il peut demander sa condamnation pécuniaire (cass. civ. 3e du 5.3.86 ou l’extinction de l’usufruit (art. 618 du code civil).

En cas de litige entre l’usufruitier et le nu-propriétaire sur la nature des travaux et leur financement, c’est le juge qui apprécie s’il s’agit, ou non, d’une grosse réparation. Les juges ont estimé, pendant un certain temps, que la liste donnée par l’article 606 était limitative (cass. civ. 3e du 12.4.95, n° 93-12849). Mais la jurisprudence a évolué: la Cour de cassation considère dorénavant que ce sont les travaux intéressant l’immeuble «dans sa structure et sa solidité générale» qui constituent des grosses réparations (cass. civ. 3e du 13.7.05, n° 04-13764). Il a ainsi été jugé que les fissures d’une façade nécessitant une reprise de structure entraient dans le cadre des grosses réparations (CA d’Aix-en-Provence du 7.5.08, n° 07/06545), de même que la consolidation du plancher d’une maison (CA de Rennes du 30.09.03, n° 02/00629).

Dans une autre affaire, les juges ont estimé que la réfection d’un toit relevait bien des grosses réparations incombant au nu-propriétaire. En revanche, dans ce même logement, la mise en conformité de l’installation électrique, la réparation des fenêtres, volets et planchers et la remise en état des murs noircis par l’humidité, même si ces travaux étaient dus au mauvais état du toit, n’ont pas été considérés comme des grosses réparations (CA de Paris du 14.3.07, n° 06/04582). Par ailleurs, bien que coûteux, le changement d’un système de chauffage vétuste n’a pas de lien avec la structure d’un immeuble et sa conservation ; il ne s’agit donc pas d’une grosse réparation, pas plus que la reprise d’étanchéité des terrasses, ou le remplacement de certains éléments d’un ascenseur: moteurs, armoires de manœuvres, habillage de la cabine par des portes (CA de Paris du 1.1.00, n° 1997/12200).

En principe, l’usufruitier ne peut pas agir en justice contre le nu-propriétaire pour l’obliger à financer les grosses réparations (cass.civ. 1re du 18.12.13, n° 12-18537). Il ne peut pas non plus, s’il a fait une donation avec réserve d’usufruit, la révoquer au motif que le nu-propriétaire refuse de payer la réfection du toit de la propriété donnée (cass. civ. 1re du 28.10.09, n° 07-12488). Si des réparations sont indispensables, l’usufruitier n’a d’autre choix que de les faire réaliser lui-même et de demander, en fin d’usufruit, le montant de la plus-value générée («récompense»). En cas d’usufruit viager, s’éteignant au décès de l’usufruitier, cette récompense sera due à ses héritiers, s’ils la réclament. L’acte à l’origine de l’usufruit peut prévoir que l’usufruitier pourra contraindre le nu-propriétaire au paiement des travaux (cass. civ. 1re du 23.1.07, n° 06-16062). Notez que, dans une copropriété, le syndic peut réclamer les grosses réparations au nu-propriétaire (CA de Paris du 12.1.06, n° 05/02714).


Pour approfondir : L'usufruit


 

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